Exposition Vivant végétal à la maison de l’agglomération val d’Yerres-val de Seine
Le dispositif présente 12 pièces liées aux 12 mois de l’année renvoyant au cycle de la nature. Chacune de ces pièces est formée d’un fer à béton fiché dans un cadre doré. Ce dispositif a été adopté au Musée de Barbizon en 2012 pour y montrer des points de vue sur des tableaux de paysage, il est repris ici pour tenter d’y faire pousser du lierre et ouvrir aux différents points de vue sur la nature environnante. Une autre façon de composer des tableaux de paysage, dans le paysage. N’est-ce pas également une manière de laisser le spectateur se constituer son propre point de vue sur la nature ?
Si le fer à béton renvoie immanquablement à la construction immobilière, le cadre doré au tableau du musée, le lierre, quant à lui s’enroule librement comme verdure robuste et, telle une liane, s’attache par ses crampons en ruban tortueux pour lier les deux éléments associés : fer et cadre. Mais, le lierre va-t-il pour autant investir la sphère artistique ? Car si le lierre s’accroche à tout, partout, il se répand selon les lois de la nature. En outre, opposer la verticale haute et rigide de la tige de fer au rendu d’un lierre qui s’étire, s’étale et semble glisser en ondulant n’est-ce pas une façon de questionner le rapport de l’homme voulant contrôler le vivant végétal qui échappe ? Que deviendra-t-il, ce lierre, planté aux pieds de fers à béton ? Parviendrai-je à le « cadrer » ? N’est-ce pas plutôt le lierre qui, en s’accrochant dans sa folle vivacité à ce dispositif, finira par cadrer et recadrer le lieu où il se tient ? En effet si l’homme intervient dans la nature, il n’est pas rare que la plante n’en fasse finalement qu’à sa tête.
Par ailleurs, n’y a-t-il pas ici une bizarrerie à planter une espèce végétale, qui habituellement, s’invite d’elle-même, s’impose aux jardiniers et, est même considérée, par certains, comme de la « mauvaise herbe » très invasive qui étouffe ce à quoi elle s’accroche ? Pourtant aujourd’hui alors que la biodiversité peine et que le réchauffement climatique se généralise, on découvre que le lierre serait porteur de bienfaits écologiques et de propriétés dépolluantes.
Enfin écoutons l’écho du lierre dans l’Yerres. Si l’homophonie résonne particulièrement ici c’est que dans les mots « lierre » et « l’Yerres » on retrouve deux voyelles imbriquées. De lierre à l’Yerres, nous croisons alors la plante au sens du nom de la rivière voisine ainsi appelée car bordée de lierre.
Déplacer la peinture, simplement une dernière couche (à l'arrière Agnès Foiret)
Domaine du Saulchoir Etiolles
Déplacer la peinture, simplement une dernière couche au Domaine du Saulchoir Etiolles, 2013
Sandrine Morsillo et Patrick Lipski, fenêtre sur cou(r)-,
la Conciergerie, 2013
Le titre renvoie au « format paysage », ce format allongé utilisé pour la peinture de paysage. Le signe « slache » placé entre format et paysage est un clin d’œil au langage internet, qui indique que « paysage » est contenu dans « format ».
Origine du travail
Lors d’une précédente exposition au musée d’art et d’histoire de Brunoy, Sandrine Morsillo avait reconstitué un cabinet de peintures à partir de peintures de paysages du XIXe siècle et d’aujourd’hui.. Elle y avait introduit des monochromes verts et des photographies de pollutions diverses. Une façon de réfléchir à la représentation du paysage et de rappeler que le paysage est avant tout une représentation mentale et une expérience irréductible à sa représentation visuelle.
Qu’est-ce qu’un paysage ?
Les peintres au XIXe siècle sont partis peindre sur le motif afin d’être immergés dans la nature… Mais, le paysage reste un point de vue cadré. C’est bien alors le cadre qui règle la représentation. Pourtant selon le philosophe Maurice Merleau-Ponty « le monde est autour de moi, non devant moi. »
Le viseur télescopique.
Sandrine Morsillo a fabriqué un objet hybride formé d’un chevalet portable de peintre et de deux grilles conçues pour rappeler ces appareils qui permettaient de saisir un paysage en perspective. La grille rappelle la fenêtre, celle-ci sert de cadre « qui, l’isolant, l’enchâssant dans le tableau, institue le pays en paysage. ».
Comment alors sortir du cadre ? Redonner de l’espace au paysage ?
L’installation de toiles « format paysage » monochromes sur les montants des fenêtres et sur les murets, les contremarches colorées dans l’escalier et les revêtements sur les tomettes au sol spatialisent la peinture en la diffusant dans tout l’espace du musée.
La peinture sort du cadre du tableau et le spectateur devient alors « marcheur dans la peinture». Il reprend la marche du peintre dans la forêt. Le temps de la perception et de la contemplation du tableau est alors modulé par le spectateur, dans sa démarche.
Si les peintres paysagistes ont préparé leurs couleurs en étant dans la nature, Sandrine Morsillo reprend les couleurs des tableaux pour nous replacer au cœur de la nature vue par les peintres. Les nuanciers ont été fabriqués à partir des œuvres suivantes :
Camille Corot - Rochers dans la forêt de Fontainebleau
Eugène Lavieille - Barbizon sous la neige
François Ortmans - Paysage dans la forêt de Fontainebleau
Georges Gassies - Coucher de soleil, forêt de Fontainebleau
Cadre/décadrer/encadrer
Série de cadres dorés fichés dans un fer à béton
Ce dispositif de cadres fichés dans des fers à béton est un écho aux viseurs qui cadrent la représentation et en même temps aux cadres des tableaux autrefois indispensables pour « autonomiser » les œuvres dans l’espace visible.
Par le cadre, le tableau devient objet de contemplation. Bords et débords, il permet le cadrage de la représentation. La multiplication des cadres et des positions différentes renforce l’idée de points de vue multiples. Le point de vue est partout, à partir du moment où l’on pose son regard en un point : dessus, dessous, en haut, en bas…. Le face à face avec l’œuvre est revu.
Dans la peinture
Le vert « couleur de la nature », est indissociable de la représentation du paysage. Les toiles monochromes exposées sont autant de nuances que celles offertes par la nature. D’ailleurs, Picasso qui alla peindre à Fontainebleau en 1921, disait : « Je me promène dans la forêt de Fontainebleau. J’y attrape une indigestion de vert. Il faut que j’évacue cette sensation sur un tableau. Le vert y domine. »
Inviter Patrick Lipski, un principe d’hospitalité ?
Quoi de plus naturel que d’ « héberger » un visiteur dans cette auberge ? Accueillir l’Autre, dans sa différence picturale, c’est ici s’ouvrir à la représentation du corps fragmenté.
Patrick Lipski a installé des silhouettes en déplacement, une figure de l’artiste nomade chargé de son matériel faisant écho à la figure peinte jadis dans le premier dortoir. Des papiers jonchent le sol comme autant d’esquisses des dessins muraux en train de se faire…
Cabinet de peintures, Musée de Brunoy
© Sandrine Morsillo par-dessus l'épaule (fragments) installation photographique, 2004, musée de l'Education pour "L'art, un cas d'école"
Faire Ecole avec Jean Le Gac (photo © Jean Le Gac)